EMMANUELLE COLBOC
Les bouleversements fondamentaux que notre société vit aujourd’hui renforcent encore ce rôle particulier du métier d’architecte.
Alors que le système réglementaire pousse chacun dans un cadre de compétences définies, le rôle de l’architecte est avant tout un rôle de synthèse. La question avant qu’elle soit posée à l’architecte a déjà traversé un long processus d’identification, de constat, d’analyse, de délimitation. Peu-à-peu, la question a été cernée pour aboutir au dossier transmis à l’architecte. C’est là un grand paradoxe parce qu’il va alors parcourir le chemin inverse. Il réouvre les portes que les autres ont fermées pour retrouver l’origine de la question. Non par polémique mais par nécessité afin de la réinterroger pour mieux la comprendre et mieux se l’approprier. La question architecturale ne peut se concevoir dans l’étroitesse. Elle requiert l’ouverture à la question humaine posée, à la lecture du paysage, à l‘analyse de l’environnement proche et enfin à la parfaite compréhension du programme. En réinterrogeant, l’architecte réoriente parfois la question, mais toujours pour trouver la problématique fondamentale évoquée par le sujet.
C’est bien au croisement de toutes ces questions que la question architecturale se situe. Si l’architecte est souvent perçu comme « l’atypique », il a intrinsèquement ce rôle d’interroger la façon dont la question lui est posée. Cette attitude est vouée à rendre plus pertinente et plus pérenne la réponse. Je ne crois pas que le bâtiment se construise pour être démoli, je considère cette attitude comme une perversion de notre rôle. Alors que la société avance aujourd’hui dans un rythme boulimique, l’homme a profondément besoin de se restabiliser.
L’individu peut avec enthousiasme avancer dans cette tourmente si l’espace de son quotidien lui apporte une stabilité, une sérénité, recherchée par tous.
Sans pastiches, sans faux-semblant, le lieu, l’espace, la ville sont façonnés par ces bâtiments habités. La pertinence de la réponse architecturale irradie de son ambiance l’espace public. Elle évite la banalisation de la réponse. Elle scande et hiérarchise les rythmes de la ville, elle résonne avec le paysage, elle est pour les autres : avec les autres, elle existe parce qu’elle est habitée.
« L’architecture c’est avant tout répondre à une question humaine posée ».
Emmanuelle Colboc